Squeezie : Sigma Boy, de la danse TikTok à la controverse géopolitique

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Un air accrocheur, une danse virale et une tempête de polémiques : voilà ce qui entoure la chanson Sigma Boy, qui a explosé sur TikTok ces derniers mois. Derrière ce tube rythmé et survitaminé, deux jeunes adolescentes russes de 11 et 12 ans, Betsy Girl et Macha Iankovskaïa. Mais au-delà du divertissement, la chanson suscite aujourd’hui des interrogations lourdes de conséquences. Entre la promotion d’une idéologie masculiniste et des accusations de propagande pro-russe, Sigma Boy est bien plus qu’un simple tube de l’hiver.

Un phénomène TikTok aux relents troublants

Avec près de 1,5 million de vidéos utilisant la chanson sur TikTok et 76 millions d’écoutes sur YouTube depuis sa sortie en octobre 2024, Sigma Boy a rapidement conquis les réseaux sociaux. Même des figures populaires du streaming, comme Squeezie, Locklear et Doigby, se sont laissé prendre au jeu en dansant sur ce morceau dans une vidéo publiée le 17 janvier dernier.

Mais à y regarder de plus près, les paroles du morceau interpellent. « Sigma, sigma boy, toutes les filles veulent danser avec toi. Sigma, sigma boy, je suis le genre de fille qui se fait désirer pendant un an. » Un texte difficilement conciliable avec l’âge des interprètes, mais surtout imprégné d’une idéologie controversée : celle du « mâle sigma ».

Sigma : un concept emprunté aux cercles masculinistes

Le « mâle sigma » s’inscrit dans le vocabulaire de la masculinité hiérarchisée, largement diffusé dans certains cercles masculinistes en ligne. Popularisé par l’idéologue américain Vox Day en 2010, ce concept désigne un homme solitaire, mystérieux, qui réussit socialement tout en restant indépendant du système. Une figure idéalisée que l’on retrouve incarnée dans la pop culture par des personnages comme Patrick Bateman (American Psycho), Thomas Shelby (Peaky Blinders) ou encore Tyler Durden (Fight Club).

Si ce concept a été initialement présenté comme une alternative à la figure du « mâle alpha », il est aujourd’hui récupéré par des communautés misogynes qui l’utilisent pour diffuser une vision toxique des rapports hommes-femmes. Le fait que cette idéologie soit chantée par deux fillettes russes a ainsi de quoi inquiéter, et le sujet a rapidement pris une dimension politique.

Une alerte au Parlement européen

L’eurodéputée allemande Nela Riehl a récemment mis en garde contre la diffusion de Sigma Boy en session plénière au Parlement européen. Selon elle, la chanson participe à une campagne de « soft power » orchestrée par la Russie pour diffuser une vision patriarcale et renforcer son influence culturelle.

Cette prise de parole n’a pas tardé à faire réagir Moscou. Grigory Gurov, président de l’Agence fédérale russe pour la jeunesse, a fustigé une « russophobie occidentale » et salué le succès de Betsy Girl et Macha Iankovskaïa, y voyant la preuve de la domination culturelle russe sur la scène pop internationale.

L’Ukraine dénonce une opération de manipulation

De son côté, l’Ukraine accuse directement le Kremlin d’avoir orchestré la viralité de Sigma Boy. Le centre ukrainien de lutte contre la désinformation affirme que « des fermes de bots ont été mobilisées, comme lors de l’élection présidentielle américaine de 2016 », afin d’amplifier la popularité du morceau sur les plateformes sociales.

Le gouvernement ukrainien dénonce également l’idéologie sous-jacente du « mâle sigma », qui selon lui sert les objectifs de propagande de la Russie en instillant un modèle de virilité autoritaire et individualiste, compatible avec la rhétorique nationaliste du Kremlin.

Squeezie et la danse involontaire d’un conflit géopolitique

En reprenant innocemment la tendance sur TikTok, Squeezie et d’autres influenceurs se sont ainsi retrouvés, sans le vouloir, au centre d’un véritable débat géopolitique. Ce n’est pas la première fois qu’une chanson anodine en apparence se retrouve liée à des enjeux politiques et sociétaux majeurs, mais Sigma Boy rappelle à quel point la culture populaire est devenue un terrain d’influence.

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